Malgré les polémiques, Shein a ouvert à Paris son premier magasin pérenne au monde
Shein s'est installé à Paris: malgré les sanctions administratives et l'enquête judiciaire ouverte pour la vente de poupées sexuelles d'apparence enfantine, le géant de l'e-commerce asiatique a inauguré mercredi son premier magasin physique et pérenne au monde au BHV.
C'est sous la vigilance d'un important dispositif policier que les premiers clients sont entrés dans le BHV avant d'inaugurer, peu après 13h, le magasin Shein au 6e étage de ce grand magasin au coeur de la capitale française.
Plusieurs dizaines de personnes avaient fait la queue dans la matinée devant l'entrée principale du BHV, par "curiosité" ou parce que "c'est moins cher". C'est là, face à l'hôtel de ville de Paris, que les clients ont retiré un ticket pour accéder à l'espace Shein de plus de 1.000 m2, premier magasin physique et pérenne au monde pour la marque de fast-fashion.
L'arrivée de la plateforme, fondée en 2012 en Chine et désormais basée à Singapour, cristallise les tensions autour de la régulation du commerce en ligne et de la mode jetable ultra-éphémère. Élus, associations et acteurs du secteur textile français ont fustigé son implantation en France.
Dernier épisode en date: la vente de poupées sexuelles d'apparence enfantine sur son site internet constatée par la Répression des fraudes, qui a entraîné l'ouverture d'une enquête judiciaire. Shein a depuis assuré avoir mis en place une interdiction totale des produits de type "poupées sexuelles".
L'entreprise a déjà écopé cette année en France de trois amendes pour un total de 191 millions d'euros, pour non-respect de la législation sur les cookies, fausses promotions, informations trompeuses et non-déclaration de microfibres plastiques.
Jusqu'ici exclusivement disponible en ligne et dans des magasins éphémères, l'entreprise franchit mercredi une étape stratégique avec son implantation durable. Et pas n'importe où: dans un emblématique symbole du commerce parisien, le BHV, un joyau art déco situé face à l'hôtel de ville.
"Une erreur stratégique" et "un danger", a déploré mercredi le ministre de la Ville, Vincent Jeanbrun, sur TF1.
Son collègue à l'Industrie, Sébastien Martin, a lui dénoncé sur Public Sénat chez Shein "une stratégie (...) d'agressivité qui est aussi une politique d'attaque de nos valeurs", avant de pointer du doigt en creux le BHV.
"Le BHV fait entrer le loup dans la bergerie", s'est alarmé le co-président de l'organisation patronale Impact France, Pascal Demurger, sur Franceinfo, pour qui "le low-cost, c'est le chômage".
Frédéric Merlin, le patron de la Société des grands magasins (SGM), propriétaire du BHV depuis 2023, a rétorqué que "Shein, c'est 25 millions de clients en France", mercredi sur RTL, opposant la popularité du géant asiatique aux griefs des responsables politiques.
- Bientôt cinq autres magasins Shein -
Si Shein est autant décrié, outre les accusations de recours à des sous-traitants sous-payés et des pratiques supposées néfastes pour l'environnement, c'est aussi parce qu'il est accusé de causer la ruine du secteur du textile et des petits commerces.
Ces derniers sont particulièrement touchés par la déferlante de produits conçus en Asie, majoritairement en Chine. En 2024, 4,6 milliards de colis à moins de 150 euros ont été importés dans l'UE. Le nombre de ces colis, exemptés de droits de douane, double tous les deux ans au rythme actuel.
Frédéric Merlin assure que les produits vendus dans ce magasin répondent aux normes européennes.
Avant même l'arrivée de Shein au BHV, plusieurs marques françaises ont fui le grand magasin, dénonçant un partenariat en contradiction avec leurs valeurs et leurs intérêts. L'intersyndicale des salariés y est également opposée.
Cinq autres boutiques Shein ouvriront en province prochainement à Angers, Dijon, Grenoble, Limoges et Reims.
Les grands magasins qui les hébergeront ne seront plus des Galeries Lafayette mais des "BHV", le groupe Galeries Lafayette ayant rompu son contrat avec la SGM pour ne pas être associé à Shein.
T.al-Wazzan--BT